Tell Rochat (1898-1939), né d'un milieu paysan, dans une maison foraine, proche de dix bosquets, pas très éloigné des grandes forêts, ne pouvait apparamment embrasser qu'une profession que l'on pratique dans le coin. Il se fit donc bûcheron.
Mais ses goûts étaient en fait autres que de manier la cognée. D'autant plus que Tell Rochat n'était pas d'une santé suffisante pour déguiller des plantes à longueur de journée. Il aspirait à peindre. Son environnement bucolique le poussait à vouloir exprimer tout ce qu'il avait sous les yeux. Il se renseigna. Il s'instruisit, il s'acheta des pinceaux et avec ce matériel il put poursuivre, car la passion, il l'avait depuis quatorze ans, ses premiers essais. Il aimait ça, peindre. Il posa donc la hache pour s'adonner tout entier à sa nouvelle passion, et qu'importe ce que les gens en disent.
Ayant été bûcheron, Tell connaissait la forêt, les arbres. Il les aimait, plus que pour les mettre en bas, pour les contempler. Voir leur beau tronc qui monte droit dans le ciel, découvrir l'étalement magnifique d'un tilleul. S'extasier sur la majesté d'un érable sycomore. Revivre, quoi. Ou plutôt tout simplement vivre.
Et il le fera de sa peinture, exposant ici ou là, récoltant des critiques parfois favorables, parfois cinglantes de la part de lettrés frustes et emplis d'eux-mêmes qui n'avaient rien découvert de ce que notre artiste connaissait depuis la nuit des temps: la nature dans son éternelle beauté, le jeu du soleil sur l'eau, la qualité esthétique de certaines maisons.
Tell Rochat, auquel on vient de lui consacrer un livre superbe, fut un réel artiste. Certaines de ses oeuvres sont de vrais chefs-d'oeuvres qu'il aurait pu accrocher tout à côté de productions célèbres de nos grands noms. Mais cela, qui le sait ? Tell fut un modeste. Il le reste tout entier dans sa postérité.
↓ (PDF) 12. Tell Rochat aime les arbres