← La vie quotidienne dans les années cinquante

33. Nos bibliothèques populaires

Publié le 21 décembre 2020 dans La vie quotidienne dans les années cinquante

C'aurait pu être un peu comme ceci...

    Qui aurait pensé faire le recensement de toutes nos bibliothèques populaires de la Vallée ? Personne. Et en relever l'infinité des titres, personne non plus. Il arriva même que plusieurs de ces bibliothèques ferment boutique. Ainsi au Lieu, au Pont, aux Bioux. Restent en activité la Bibliothèque du Brassus, plutôt désormais axée sur l'enfance, la Bibliothèque du Sentier qui résiste vaillamment face au poids lourd qu'est la médiathèque de Chez-le-Maître, aux finances en apparence inépuisables. Quand le canton s'en mêle...

    Ces bibliothèques de village étaient charmantes. Regorgeant de trésor cachés, qui n'étaient forcément pas dans les romans, mais dans ces livres que d'ordinaire l'on ne regarde pas trop, des éditions spéciales, originales. Ainsi pour la Bibliothèque des Charbonnières, qui n'existe plus que mise en stock dans l'abri PC de ce village, des Jules Vernes et des Gustave Aimard du XIXe siècle, en bon état et reliés. Ce ne sont certes pas les fameuses éditions Herzel, mais quand même, voilà du bon qui plairait à quelque collectionneur. Mais pas question, une seule seconde,  de liquider. Ces ouvrages prouvent les goûts de nos lecteurs tout au long des décennies voire des siècles, puisque ces bibliothèques portent désormais sur les trois derniers. 

    Certes, pour parler de ça, pour s'intéresser à ça, il faut aimer les livres. Il faut en avoir la passion. Aimer les papiers, les caractères, l'odeur plus encore. Renifler un vieux livre, que voilà une occupation délicieuse. On le fait mieux encore avec d'anciennes BD et ces odeurs, celles du papier se mélangeant avec celles des encres, sont suaves! C'est presque un repas que l'on fait là, et rien que par le nez! 

    Un peu de la folie. Mais que voulez-vous que l'on fasse, on nous a enseigné à lire autrefois, on a eu du plaisir à le faire tout aussitôt, il n'était plus question de reculer. Fallait aller de l'avant. C'est-à-dire dévorer des livres, et puis un jour en posséder. 

    Un principe cher aux bibliothèques qui s'inquiétaient toutefois selon qui en était le gestionnaire. Si celui-ci était un peu bigot sur les bords, il trouvait que les gens se désintéressaient des bons livres de religion pour s'adonner à des lectures trop faciles dans les romans contemporains. Celui-là regrettait le bon vieux temps où la morale et l'austérité, tout cela compressé dans des livres que déjà personne ne lisait plus, étaient plus méritoires que la légèreté de textes sans consistance et surtout par trop portés aux amourettes. Des ambiances qui pouvaient  influencer en mal ces jeunes filles qui venaient elles aussi s'approvisionner dans nos bibliothèques publiques. 

    Ces choses, on ne les invente pas. Elles figurent dans les procès-verbaux de telle ou telle bibliothèque. On se plaignait. Mais comment contrer les goûts du public ? Ne pas les accepter, c'était le voir déserter votre officine, ni plus ni moins. Et sans lecteurs, et bien vous creviez! 

    Ah! ces bons vieux livres, dans leur présentation, avec leur odeur, quelle histoire ils racontent! 


(PDF)  33. Les bibliothèques