C'étaient de magnifiques parenthèses dans notre vie scolaire. Tel ou tel après-midi, pas d'école au sens propre, mais la grande tournée par le village afin de ramasser le vieux papier. La classe vendrait celui-ci au poids à un chiffonnier de l'extérieur, ce qui nous ferait un peu d'argent pour la course d'école.
On adorait ces récoltes. Chacun tentait d'aller là où ça donne du bon. On découvrira dans ce nouveau chapitre les endroits privilégiés. On partait avec petits chars et remorques. On voyait tout ce petit monde disparaître, et puis après une demi-heure revenir chargé de vieux journaux que les convoyeurs envoyaient dans la cave par la fenêtre du bas. Là-bas, où c'était un peu humide, ça s'entassait au pied du mur pour ensuite glisser presque jusqu'au mur d'en face, tant il y en avait. Il faut dire qu'on aidait un peu à cet étalement. Car sitôt après l'école, nous autres, amateurs inconditionnels de vieux papier, nous nous glissions dans la cave pour aller rebouiller.
Oh! rebouille mon ami, va jusqu'au fond du tas. Plonge, rampe, creuse, à la manière de l'oncle Jérémie dans son monceau d'argent. Mais le papier, c'est mieux que l'argent, c'est la culture du monde, c'est l'aventure, quand il s'agit de parler d'histoires en images, cette manne qui nous était destinée mais que l'on ne trouvait hélas pas souvent. Ceux qui les détenaient ne s'en séparaient pas. Mais l'espoir, quand même, était permis. Avec le temps, avec la patience... Quelque vieillerie qu'une mère mal intentionnée aurait jeté...
Le papier, oui, c'était vraiment formidable. Et sitôt que nous avions délaissé la cave, nous en avions la certitude, le régent viendrait y jeter un petit coup d'oeil. Pour cette raison d'ailleurs qu'il n'aimait pas trop à ce qu'on l'ait précédé !
↓ (PDF) 40. Le papier